Quant à moi dans mon interprétation de ses œuvres, j’adoptais la stratégie de vente qui consistait à concilier la vision picturale du maître avec ma vision du monde, celui d’un gosse de 13 ans. Ainsi, dans ma présentation des tableaux aux observateurs avais-je souvent recours à des personnages mystérieux tels que Guinarou, le roi de Guinée, et Trimobé, personnage mi-homme mi- cheval des contes et légendes de la forêt, pour enjoliver mon petit baratin dans l’espoir d’attirer l’attention de l’acheteur, de me familiariser avec lui et de vendre les tableaux. Comme dans toute entreprise, je connaissais des soirées fastes où la vente était fructueuse, et parfois malheureuse quand les clients se faisaient rares à l’hôtel. Les clients réguliers du personnel navigant n’hésitaient pas à rencontrer l’artiste. D’autres, notamment les clients anglophones, maintenaient le contact avec Gotène par correspondance. En tant que scribe, ce type de correspondance me permettait d’approfondir mes connaissances de la langue anglaise au fil de mes années scolaires au lycée Savorgnan-de-Brazza. Si je me suis intéressé à la langue anglaise jusqu’à l’étudier et à l’enseigner, cela tient en partie à mon rapprochement avec Gotène, cet homme à la fois affable et mystérieux que nous célébrons aujourd’hui.
À l’âge adulte, devenu enseignant à l’université Marien-Ngouabi, lors des manifestations culturelles destinées à faire connaître le Congo et l’Afrique, je n’ai ménagé aucun effort pour faire connaître les œuvres de Gotène. Je continue de fréquenter l’illustre artiste. Nous partageons nos souvenirs du passé, ce passé lointain aujourd’hui revisité à travers ses œuvres.
Voilà le témoignage qu’a voulu porter un enfant de Poto-Poto sur Marcel Gotène.
Jean-Pierre Ngolé, université Marien Ngouabi